J'eu un petit rire sans joie.
Toi, parmi
tous les habitants de cette terre, est sûrement le mieux équipé pour
t'escrimer contre ce genre de dilemme. Tu es le meilleur et le plus
brillant d'entre nous.
Je soupirai. Toutes les mères disent cela.
Esmée
débordait toujours de joie à la pensée qu'après tout ce temps,
quelqu'un avait fini par toucher mon cœur, et se fichait totalement du
potentiel tragique de la situation. Elle avait tant pensé que je
resterais à jamais seul...
Elle t'aimera, j'en suis sûre,
pensa-t-elle soudainement, me prenant de court. Si c'est une jeune
fille intelligente. Elle sourit. Mais j'ai peine à imaginer que
quelqu'un puisse être assez stupide pour ne pas voir quel homme tu es.
- Arrête, Maman, tu me fais rougir. Plaisantai-je.
Ses mots, quoiqu'improbables, m'encourageaient.
Alice
rit et commença à jouer la main droite de « Cœur et Ame ». Je souris et
compléta le morceau avec elle. Puis je lui fis plaisir en lui accordant
une performance de « Baguettes ».
Elle gloussa, puis soupira.
-
J'espérais que tu me dirais pourquoi tu t'es moqué de Rose tout à
l'heure. Dit-elle. Mais je peux clairement voir que tu ne le feras pas.
- En effet.
Elle lança une pichenette à mon oreille.
- Soit gentille Alice, la réprimanda Esmée. Edward est un vrai gentleman.
- Mais je veux savoir
Je
ris devant son ton plaintif. Puis je dis à Esmée de s'approcher et
commença sa chanson favorite, un hommage anonyme à l'amour que j'avais
longtemps observé entre Carlisle et Esmée.
- Merci, trésor. Dit-elle en pressant à nouveau mes épaules.
Je
n'avais pas besoin de me concentrer pour jouer ce morceau si familier.
Alors à la place, je pensai à Rosalie, toujours terrée dans sa
mortification dans le garage, et cette vision m'arracha un sourire.
Venant
à peine de découvrir quel potentiel de jalousie je renfermais en moi,
j'eu un peu de pitié pour elle. C'était un sentiment très douloureux.
Evidemment, sa jalousie à elle était négligeable comparée à la mienne,
mille fois plus forte. Comme un simple figurant dans un très long film.
J'en vins à me demander en quoi la vie et la personnalité de
Rosalie aurait été différente si elle n'avait pas été si belle.
Aurait-elle été plus heureuse si sa propre beauté n'avait pas tout le
temps eu la priorité dans sa vie ? Bon, je supposais qu'il était
inutile de se poser la question, puisque le passé était ce qu'il était,
et qu'elle avait toujours été la plus belle. Même lorsqu'elle était
humaine, elle avait toujours vécu sous les feux des projecteurs à cause
de son charme. Non pas qu'elle s'en plaignait, c'était plutôt l'inverse
– elle avait toujours aimé être admirée plus que quiconque. Trait de
caractère qui n'avait pas changé avec la perte de sa mortalité.
En
prenant cela en compte, ce n'était donc pas une surprise qu'elle se
soit offensée quand, depuis le début de notre relation, je n'avait pas
loué sa beauté comme tous les autres hommes qu'elle avait jusqu'alors
rencontré. Non pas qu'elle me désirait de son côté – loin de là. Mais
que moi, je ne la désire pas, l'avait vexé. Elle s'était habituée à
être l'objet de fantasme de tous les hommes.
C'était différent
avec Jasper et Carlisle – les deux étaient déjà amoureux. Pour ma part,
j'étais totalement sans attaches, et restait pourtant totalement
indifférent face à elle.
J'avais longtemps cru ce vieux ressentiment enterré. C'était il y a longtemps.
Et
il est vrai que pendant longtemps, elle avait oublié tout
cela...jusqu'au jour où, enfin, je rencontrai quelqu'un dont la beauté
me toucha.
Rosalie s'était persuadée que si sa beauté m'avait
laissé de marbre, cela signifiait qu'aucune autre beauté au monde ne
pourrait jamais m'émouvoir. Sa colère contre moi s'était échauffée
depuis le jour où j'avais sauvé Bella, devinant, avec son instinct de
mégère, mon intérêt encore inconscient.
J'avais porté le coup de grâce à Rosalie en trouvant une humaine insignifiante plus attirante qu'elle.
Je réprimai une autre envie de rire.
Cela
dit, cela m'ennuyait un peu, sa manière de voir Bella. Rosalie la
trouvait quelconque. Comment pouvait-elle penser une chose pareille ?
Cela me paraissait incompréhensible. C'était de la simple jalousie,
certainement.
- Oh ! Dit soudain Alice. Jasper, tu sais quoi ?
Je vis à mon tour ce qu'elle venait de voir, et mes mains s'immobilisèrent
- Non, quoi ? Répondit-il.
- Peter et Charlotte vienne nous voir la semaine prochaine ! Ils seront dans les parages, n'est-ce pas merveilleux ?
- Qu'y a-t-il, Edward ? Demanda Esmée, sentant la tension dans mes épaules.
- Peter et Charlotte viennent à Forks ? Sifflai-je à Alice.
Elle tourna les yeux dans ma direction.
- Du calme Edward. Ce n'est pas leur première visite.
Mes
dents se serrèrent. Si, c'était leur première visite depuis que Bella
était là, et je ne suis pas le seul que son sang attire.
- Ils ne chassent jamais ici. Dit-elle en fronçant les sourcils. Tu le sais.
C'était
un fait, seulement le frère de Jasper et le petit vampire qu'il aimait
n'était pas comme nous, ils avaient un régime alimentaire traditionnel.
Pour ce qui était de Bella, on ne pouvait pas leur faire confiance.
- Quand ? Exigeai-je.
Elle fit une moue mécontente, mais répondit Lundi matin. Personne ne va toucher à Bella, rassure-toi.
- Non. Approuvai-je, puis lui tourna le dos. Tu es prêts Emmett ?
- Je croyais qu'on ne partait que ce matin ?
- On sera de retour dans la nuit du Dimanche. On part quand tu veux.
- Très bien. Laisse-moi dire au revoir à Rose d'abord.
- Bien sûr.
Vu l'état dans lequel était Rosalie en ce moment, ça ne risquait pas de prendre une heure.
Tu as vraiment perdu l'esprit, Edward. Pensa-t-il en se dirigeant vers la porte du fond.
- Tu as probablement raison.
- Joue encore une fois la nouvelle chanson, demanda Esmée.
- Si ça peut te faire plaisir. Cédai-je.
J'étais
pourtant retissant à jouer à nouveau cette mélodie avec cette fin
inévitable – une fin qui me faisait souffrir d'une manière qui m'était
peu familière. Je restais un moment dans mes pensées, puis sortit le
bouchon de la bouteille resté dans ma poche et le déposai sur le
pupitre vide. Cela me soulagea un peu – un petit rappel de son oui.
J'acquiesçai pour moi-même, et commençai à jouer.
Esmée et Alice échangèrent un regard, mais aucune d'elle ne posa de question.
* * *
– On ne t'a jamais dit de ne pas jouer avec la nourriture ? Rappelai-je à Emmett.
- Oh, hey, Edward ! Riposta-t-il, souriant et tournant la tête vers moi.
L'ours
tira avantage de ce soudain manque d'attention pour envoyer sa patte
puissante dans la poitrine d'Emmett. Les griffe acérées comme des lames
de rasoir déchirèrent en lambeaux sa chemise, et crissèrent sur sa
peau.
Le grincement aigue fit beugler l'ours.
Nom de dieu ! Rose m'avait offert cette chemise !
Emmett rendit son feulement à l'animal enragé.
Je soupirai et m'assis à un rocher parfaitement commode pour cet emploi. Ca risquait de prendre un moment.
Mais
Emmett en avait presque fini. Il laissa l'ours essayer de lui arracher
la tête d'un nouveau coup de patte, riant en voyant l'ours s'étonner
que ses coups restent inefficaces. L'ours grogna et Emmett y répondit
par un autre grognement. Puis il s'élança sur l'animal, qui faisait
quand même une tête de plus que lui une fois dressé sur ses pattes
arrière et leurs corps s'entrechoquèrent et s'écroulèrent, entrainant
dans leur chute un vieil épicéa. Les plaintes de l'ours s'arrêtèrent
avec un gargouillement.
Quelques minutes plus tard, Emmett
arriva au petit trop là où je l'attendais. Sa chemise était explosée,
déchirée, ensanglantée, couverte de sève collante et de poils. Ses
cheveux sombres et ondulé n'étaient pas en meilleur état. Il arborait
un large sourire sur son visage.
- Il était fort celui là. Je pouvais presque le sentir quand il me griffait.
- Ce que tu es gamin, Emmett.
Il regarda ma chemine immaculée.
- Tu n'as pas été capable de pourchasser ce puma ?
- Bien sur que si. C'est juste que contrairement à toi, je ne mange pas comme un sauvage
Emmett éclata de son fameux rire.
- J'aimerais tant qu'ils soient plus forts. Ce serait plus drôle.
- Personne ne t'a demandé de te battre avec ton plat.
-
Ouais, mais sinon avec qui je me battrais ? Alice et toi vous trichez,
Rose ne veut pas être décoiffé, et Esmée devient folle quand avec
Jasper on se fritte pour de bon.
- Oui, c'est dur la vie...
Emmett fit la grimace, courbant l'échine comme sous l'effet d'une charge très lourde.
- Allez, Edward. Mets ta télépathie en veilleuse une minute et viens te battre à la loyale.
- Je ne peux pas la mettre en veilleuse. Lui rappelai-je.
-
Je me demande comment cette humaine arrive à te garder dehors ! Fit
Emmet. Peut-être qu'elle pourrait me filer quelques tuyaux...
- Je t'interdis de t'approcher d'elle! Grognai-je entre mes dents, toute trace de bonne humeur évaporée.
- Oh, on dirait que j'ai touché un point sensible.
Je soupirai. Emmett vint s'asseoir à côté de moi.
-
Désolé. Je sais que tu traverses une mauvaise passe en se moment. Tu
sais j'essaye vraiment de ne pas trop agir comme un crétin insensible,
mais bon, comme c'est un peu on état naturel...
Il attendit que je rigole à sa blague, puis, fit la tête.
Sérieux, toujours sérieux. Qu'est-ce qui te préoccupe maintenant ?
- Je pense à elle. Enfin, disons plutôt que je m'inquiète pour elle.
- Mais qu'est-ce qu'elle risque ? Dit-il avec un grand rire. Tu es là !!!
Une fois de plus, sa plaisanterie me laissa de marbre, mais je répondis à sa question.
-
Tu n'as jamais remarqué à quel point ils sont fragiles ? Te rends-tu
compte du nombre de choses horribles qu'il peut arriver à un humain ?
- Pas vraiment. Mais je suppose que je vois ce que tu veux dire. La première fois je n'en menais pas large face à l'ours, non ?
-
Des ours ! Marmonnai-je, ajoutant une nouvelle crainte au dessus de la
pile. Ce serait tout elle ça, connaissant sa chance. Un ours qui
s'aventure en ville. Et bien sûr il foncera droit sur Bella !
- Tu sais que là on croirait vraiment entendre un déséquilibré ? S'esclaffa Emmett.
-
Imagine une seconde que Rosalie serait humaine, Emmett ! Et qu'elle
pourrait à tout moment tomber sur un ours...ou pâlir...ou maigrir...ou
tomber dans les escaliers...ou tomber malade...et même gravement malade
!
Une tempête de mots sortait de moi. C'était soulageant de les
laisser sortir – eux qui était resté couvés en moi tout le weekend.
-
Les incendies, les tremblements de terres, les tornades ! Oh mon dieu !
A quand remonte la dernière fois où tu as regardé les informations ?
As-tu vu le genre de choses qui leur arrivent ? Des cambriolages, et
des meurtres !
Mes dents se serrèrent, soudain si furieux à la
simple idée qu'un autre humain puisse la blesser que j'en devins
incapable de respirer.
- Houlà ! Eh calme-toi, gamin ! Elle
vit à Forks, tu te souviens ? Alors elle va juste se faire....pleuvoir
dessus. Dit-il avec un haussement d'épaules.
- Je commence vraiment
à penser qu'elle est frappée de malchance, Emmett. Regarde les choses
en face : parmi tous les endroits au monde où elle pouvait aller, elle
a finit par atterrir dans une ville peuplée entre autres de vampires.
- Ouais, mais nous sommes végétariens. C'est plutôt un coup de bol, non ?
-
Avec l'odeur qu'elle a ? Non, c'est assurément de la malchance. Pire
même, vu l'effet que me fait son parfum. Dis-je en regardant mes mains,
les détestant une fois de plus.